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Témoignage : ce que 20 ans de management tech ont appris à cet ancien VP Engineering

Temps de lecture: 10 minute(s)
Magicien du Cloud DoNow
Signé de Le Magicien du Cloud
21 octobre 2025

Mentorat, bootcamps, workshops, programmes de coaching…
Dans les équipes tech, les initiatives foisonnent pour encourager la transmission. Pour les managers, transmettre fait partie de la fiche de poste.

Mais qu’est-ce qui fait vraiment un bon manager technique ? Est-ce qu’on manage comme on a été managé ? Ou bien, est-ce qu’on construit son style en réaction, parfois en opposition totale, à ceux qui nous ont précédés ?

Ancien Engineering Manager et VP Engineering, passé entre autres par Stormshield, Vivlio et Sogilis, Jérôme Guilloux nous livre sa vision du management technique. Il revient sur vingt ans de carrière et sur les empreintes laissées par ses propres managers, ses équipes, ses pairs. Entre frustrations, révélations et convictions forgées à la dure, il raconte comment il a bâti son style managérial dans la lignée de ses modèles… ou, à l’inverse.

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Interview d'un ancien VP Engineering

Resumulus : les 3 points à retenir de l’article

  • Le rôle du VP Engineering est complexe : il faut arbitrer entre direction et équipes, absorber la pression du business et créer une bulle protectrice pour maintenir qualité et motivation.
  • On construit son management autant sur des exemples que sur des contre-exemples : les injustices et les mauvais modèles marquent tout autant que les bonnes pratiques.
  • Au-delà de la technique, c’est le collectif qui prime : équilibre entre compétences, soft skills et cohésion.

Éponge, bulle protectrice, garant de la qualité : le rôle complexe du VP Engineering

De ses débuts en laboratoire de recherche jusqu’aux scale-ups et grands groupes, Jérôme Guilloux a traversé toutes les strates de la tech : développeur, ingénieur qualité, chef de projet, scrum master, puis enfin Engineering Manager et VP Engineering.

Dès qu’il franchit le pas vers le management, une même équation le hante : comment faire grandir les équipes sans sacrifier la qualité ? « Ce qui fonctionne à cinq personnes ne fonctionne plus à dix, et ce qui marche à dix ne marche plus à vingt », illustre Jérôme Guilloux.

Son rôle, en théorie, est clair : créer les conditions idéales pour que ses équipes livrent les meilleurs produits, alignés avec les attentes de la direction. En pratique, c’est une tout autre histoire. Les retours positifs des clients, eux, ne parviennent presque jamais jusqu’aux développeurs. « Au final, les seuls échos qu’on a, c’est quand ça ne va pas. Dans ces moments-là, la direction ou le commerce nous tombe dessus : “Ce que vous faites, ce n’est pas de la qualité, ça ne va pas.” »

Au fil des années, Jérôme en tire une conviction : le manager doit se transformer en éponge. Absorber la pression du business. Construire une bulle protectrice autour de ses équipes. Car le manque de lien entre technique, commerce et marketing pèse lourd sur le moral. « On est à la frontière : on doit appliquer ce que la direction demande, mais en même temps, il faut que cela ait du sens pour nos équipes. Cette double casquette rend parfois les choses compliquées, parce qu’on entend deux sons de cloche et qu’il faut réussir à les faire cohabiter tout en restant soi-même », précise Jérôme Guilloux.

Alors il fixe sa règle d’or : protéger l’équipe avant tout.
« Si jamais l’équipe se délite, cela veut dire que la production baisse. Et si la production baisse, tôt ou tard, ça retombe sur le manager. »

Ni petit chef, ni bisounours : les contre-exemples qui ont inspiré son management technique

Protéger ses équipes : voilà le fil rouge du management de Jérôme Guilloux. Mais ce style affirmé, il ne l’a pas hérité de ses mentors. Il l’a bâti… en opposition à eux.

« J’ai connu deux types de managers : ceux qui étaient des petits chefs, très autoritaires, et ceux qui étaient très gentils, qui voulaient tout faire pour protéger leurs équipes, mais sans logique, un peu façon “bisounours”. Et moi, ça, je n’en voulais pas. »

Quand il prend son premier poste de manager, la décision est claire : il fera tout, sauf reproduire ces modèles. Son credo ? Du résultat, mais pas au détriment du plaisir de travailler. « Mon état d’esprit était simple : je voulais qu’on réalise des choses et qu’on y prenne du plaisir, et comme on attendait un résultat de nous, il fallait qu’on atteigne ce résultat. »

Très vite, il comprend que la clé, c’est le factuel. « Quand j’étais plus jeune, je trouvais que mes managers, aussi sympas et avenants soient-ils, n’étaient pas assez pragmatiques. » Car un souvenir lui laisse un goût amer : « Je ne ménageais pas mes efforts pour me démarquer dans mon travail. Une année, j’avais obtenu de très bons résultats qui avaient été remontés à la fois par mon N+1 et mon N+2. La période des augmentations arrive, et j’apprends que tout le monde a le même pourcentage d’augmentation. Je l’ai très mal pris, parce qu’au-delà du montant, ça signifiait que certains, qui mettaient beaucoup moins d’efforts, recevaient la même reconnaissance que moi, alors que je m’étais vraiment démené. »

Une mauvaise expérience qu’il a veillé à ne pas réitérer : « Quand je suis devenu manager, j’ai fait en sorte de valoriser correctement les efforts, autant que possible, dans le cadre de ce que me permettaient mes directions. »

Au-delà de la technique, le collectif

Protéger ses équipes ? Oui.
Juger factuellement sur les résultats ? Oui.
Être technique ? Oui, mais pas que.

« Dans notre milieu, la technique n’est qu’un aspect. Il y a aussi la qualité de ce que tu apportes. Certains ne sont pas forcément les meilleurs techniquement, mais ils excellent à mettre en place des process, à apporter de nouvelles façons de faire. Et ça, ça a beaucoup de valeur », précise-t-il.

Ce qui compte, selon lui, c’est d’orchestrer un collectif. Valoriser les forces de chacun. Créer un équilibre subtil dans la composition de l’équipe tech. Et surtout, donner envie. « À une époque, quand j’allais au travail, je ne pensais qu’au travail, mais dans le bon sens du terme. Le matin, je me disais : “On va faire ça, ça va être super. Ah oui, on a ce projet, génial.” »

Bien sûr, la technique reste essentielle. Elle permet de comprendre les problématiques, de ne pas minimiser les difficultés rencontrées par les développeurs, de ne pas réduire leur rôle à un simple “plan d’exécution”. Mais ce qui fait la différence, insiste Jérôme, c’est la vision globale et la capacité à faire dialoguer les bonnes personnes au bon moment.

Cette alchimie, il l’a vécue quand il avait la main sur le recrutement.
« J’ai connu une période où j’avais vraiment l’impression d’avoir une équipe parfaite. Je pense que c’était parce que j’avais la main sur le recrutement, et j’avais réussi à constituer une équipe qui correspondait parfaitement à l’image que je me faisais d’une équipe tech, d’une équipe produit. »

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L’importance d’être soi-même

Si Jérôme a surtout appris à manager en observant ce qu’il ne voulait pas reproduire, il a tout de même retenu une leçon précieuse de ses supérieurs qu’il respecte encore aujourd’hui : l’importance d’être soi-même.

« Ils ne m’ont pas spécialement appris le management en tant que tel, mais ils m’ont appris à écouter. Et ça, c’est une compétence qui dépasse le cadre du travail : ça s’applique à la vie de tous les jours. Ils m’ont aussi appris qu’il fallait rester soi-même », raconte Jérôme Guilloux.

Être soi-même, pour Jérôme, cela signifie ne pas surjouer
« Pendant longtemps, j’ai voulu trop bien faire. Je tenais absolument à être présent pour mes équipes. Elles appréciaient, mais parfois j’en faisais trop. Résultat, on venait me solliciter pour des broutilles qui n’étaient pas de mon ressort. »

C’est aussi une question de communication. Dire les choses simplement, factuellement, sans fioritures. « J’ai appris que lorsqu’on exprime les choses avec logique, de manière franche, en choisissant les bons mots au bon moment, ça passe beaucoup mieux. Et au final, tu gagnes encore plus le respect de tes équipes, parce qu’elles savent exactement ce que tu veux dire. »

Une leçon apprise autant de ses pairs que de ses collaborateurs. « J’ai progressé grâce à certaines personnes au fort caractère. Elles disaient les choses de manière très crue, comme à un ami, sans chercher à tourner autour du pot. Et j’aimais beaucoup ça, parce qu’elles étaient elles-mêmes. À leur contact, j’ai compris que moi aussi je devais être moi-même quand j’avais quelque chose à dire », se souvient-il.

Et sa botte secrète pour ancrer cette posture : le coaching en développement personnel. Un apprentissage qui l’a aidé à mieux comprendre les autres, mieux conduire ses conversations… et à rester soi-même.

En vingt ans de carrière, Jérôme a appris qu’un manager technique n’est pas seulement là pour protéger ou juger ses équipes, mais pour donner du sens, de l’envie et de la cohésion. Sa plus belle preuve de réussite : voir d’anciens managés, devenus managers à leur tour, venir solliciter ses conseils.

Aujourd’hui, il a quitté la tech pour se lancer à son compte comme courtier en crédit immobilier et assurance de prêt, spécialiste du premier achat. Et même dans ce nouveau métier, il emploie les mêmes ressorts : « Ce que j’utilise aujourd’hui dans ma vie professionnelle, c’est surtout la communication. Tout ce que j’ai appris sur les gens, sur la manière de les écouter, de discuter avec eux, de les approcher. Ça m’a aussi beaucoup servi dans ma manière d’être, de me présenter et de me mettre en avant. Donc oui, ce sont des choses qui me servent encore aujourd’hui et qui sont devenues naturelles. » Un exemple inspirant.

Méfait accompli.

À propos de Jérôme Guilloux

Jérôme Guilloux, fondateur de Loany et ancien VP Engineering

Ancien VP Engineering, reconverti en courtier en crédit immobilier et assurance de prêt.

Après 20 ans dans la tech (Stormshield, Sogilis, Arkoon, Vivlio, Genymobile, Crédit du Nord…), Jérôme a choisi un nouveau cap : accompagner les particuliers dans leur achat immobilier, avec une spécialisation pour les primo-accédants.

Il fonde Loany, sa propre société de courtage, avec une approche très pédagogique : rendre le financement simple, clair et fluide, du diagnostic de faisabilité jusqu’à la signature chez le notaire.

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