Autopsie d’une facture Cloud : chaque euro dit quelque chose de votre infra

Coût total de la facture Cloud : 11 054,73 €.
Un chiffre qui parle. Chaque euro révèle un choix d’architecture, mais parfois aussi un oubli, un raccourci, une erreur. Combien de CTO savent percer les mystères de leur facture Cloud ? Avec la généralisation de l’IA générative, la pression monte : 49 % des entreprises désignent la GenAI comme principal facteur d’explosion des coûts du Cloud (cabinet Vanson Bourne, 2024). Et si la facture s’emballe, c’est souvent parce qu’on a cessé de la lire. Décryptons-la ensemble pour comprendre chacune des lignes. Et reprendre le contrôle sur sa consommation. Place à la magie.
Je veux réduire mes coûts Cloud
Resumulus : les 3 points à retenir de l’article
- Une facture reflète une architecture : plusieurs environnements actifs, des bases managées redondées et du monitoring génèrent naturellement plusieurs milliers d’euros.
- Éteindre automatiquement les environnements non critiques la nuit et le week-end peut réduire une bonne partie de la facture Cloud mensuelle.
- Des pratiques FinOps simples (tagging, revue mensuelle, scale-down, politiques de rétention) permettent de reprendre le contrôle sur les coûts Cloud.
Comprendre une facture Cloud, c’est comprendre la mécanique de consommation d’une infrastructure. Chaque service activé, chaque ressource provisionnée, chaque transfert ou écriture de log correspond à une ligne de facturation.
À cela, s’ajoutent des paramètres souvent sous-estimés : politiques tarifaires du fournisseur, options de redondance activées par défaut, coûts d’egress interzones, ou encore services passifs oubliés (snapshots, disques orphelins).
Mais au-delà des règles de calcul, c’est l’architecture technique (vos choix, ou leur absence) qui fait grimper la note.
Plutôt que de théoriser, prenons un cas concret : une facture réelle de 11 054,73 € TTC, typique d’une entreprise tech en croissance. Sa répartition dessine les contours d’une architecture moderne :
- Compute (2 730,16 €) : les machines virtuelles. Ce poste traduit la capacité brute allouée aux traitements applicatifs. Montant assez classique pour un socle d’environnements dev/staging/prod.
- Kubernetes/Containers (245,61 €) – Temps de compute compris : le montant est modeste, mais témoigne d’une volonté de containeriser l’architecture. Ici, la ligne de facturation laisse à penser qu’un POC ou un projet de migration vers Kubernetes est en cours.
- Stockage (736,90 €) : volumes, blocs, objets, fichiers. Ce niveau de dépense est classique si les politiques de rétention et de nettoyage ne sont pas strictement appliquées.
- Réseaux (1 187,63 €) : VPC, load balancers, DNS. Ces montants deviennent significatifs avec des flux interzones réguliers ou un usage intensif d’équilibreurs de charge. Plutôt logique dans une architecture distribuée.
- Monitoring/Logs (875,53 €) : coûts liés à l’observabilité. Un monitoring actif est sain, mais ce volume peut aussi pointer un excès de verbosité ou des durées de rétention trop longues.
- Bases de données managées (3 901,61 €) : principal poste. Habituel pour des BDD critiques et redondées, mais souvent amplifié par des marges de sécurité non révisées.
- Sécurité, Messaging, Data Transfer (1 377,91 €) : services secondaires, généralement activés par défaut ou oubliés. Rien d’anormal, mais des économies faciles à aller chercher si besoin.
Cette première lecture donne une vue d’ensemble, mais c’est dans le détail que la facture révèle vraiment ses secrets. Entrons maintenant dans l’analyse des coûts visibles avant de lever le voile sur les postes plus discrets. Ceux que l’on ne soupçonne pas toujours, et qui pourtant, pèsent lourd dans la balance.
Certains postes attirent immédiatement l’attention. Leur montant est élevé, leur fonction bien connue. Ce sont les fondations visibles de votre infrastructure Cloud. Mais derrière cette apparente lisibilité, ces coûts méritent d’être scrutés. Car c’est souvent là que se cachent les premiers leviers d’optimisation.

Compute : le socle qui pèse lourd
2 730, 16 € : les machines virtuelles représentent, à elles seules, plus d’un quart du total. C’est logique : elles portent l’essentiel des traitements applicatifs. Ce montant suggère une infrastructure stable, probablement dimensionnée pour absorber les pics d’activité.
Mais cette stabilité peut aussi masquer une inertie coûteuse. Instances actives 24/7, sur-provisionnement par prudence, absence d’automatisation du scaling : autant de pratiques qui gonflent la facture.
Ce qu’il faut éviter | Les bons réflexes FinOps |
---|---|
Sur-dimensionner des instances si la charge ne le justifie pas |
|
Faire tourner des VM en continu sans analyser les métriques de charge | Réévaluer la charge réelle de chaque environnement via des outils de monitoring |
Laisser les ressources provisionnées stagner sans audit | S’appuyer sur les recommandations dynamiques de votre Cloud provider ou d’un outil tiers d’optimisation |
Négliger les environnements dev/staging inactifs | Planifier leur extinction automatique en dehors des plages de développement |
Kubernetes/Containers : une agilité qui peut vite chiffrer
À première vue, ce poste paraît marginal. Pourtant, dans une architecture orientée microservices, il est souvent le point d’entrée vers des coûts plus complexes à piloter.
Les 245,61 € observés ici reflètent probablement un usage partiel ou contrôlé : un cluster de taille modeste, quelques services containerisés. Mais dès que la charge augmente, ou que les clusters se multiplient, la facture s’envole.
Ce qu’il faut éviter | Les bons réflexes FinOps |
---|---|
Laisser tourner un cluster 24/7 à faible charge | Définir des plages horaires d’extinction automatique pour les environnements non critiques |
Déployer des pods sans limites, ni requests explicites | Configurer les ressources CPU/mémoire avec des quotas stricts par namespace |
Ne pas mesurer précisément l’usage CPU/mémoire des nodes et pods (saturation, sous-utilisation, redémarrages) | Utiliser des outils d’observabilité (Prometheus, Grafana, etc.) pour suivre l’utilisation effective |
Répliquer un cluster par environnement sans mutualisation | Consolider les workloads et optimiser le placement des pods pour éviter la fragmentation |
Lancer un POC Kubernetes sans passer en production ou sans plan de montée en charge clair |
Passer en production avec une stratégie de montée en charge claire. C’est là que Kubernetes montre toute sa valeur : il ajuste automatiquement les ressources, réduit le temps de compute, et peut utiliser des instances spot pour faire baisser la facture.
💡 Une instance spot est une machine Cloud à prix très réduit, car elle utilise des ressources inutilisées. Elle peut être interrompue à tout moment, donc idéale pour des charges flexibles gérées par Kubernetes. |
Stockage : la mémoire qui s’accumule
Le stockage est souvent perçu comme secondaire. Pourtant, dans notre exemple, il approche les 740 €. Ce montant regroupe les volumes attachés aux machines, les objets stockés (souvent en S3 ou équivalent) et les systèmes de fichiers partagés. Ce poste peut croître lentement, mais sûrement, en raison de snapshots oubliés, de logs non purgés, ou d’archives conservées “au cas où”.
Ce qu’il faut éviter | Les bons réflexes FinOps |
---|---|
Accumuler des volumes sans politique de cycle de vie | Mettre en place des règles d’expiration et d’archivage automatique |
Conserver des snapshots ou backups devenus inutiles | Planifier des audits trimestriels et automatiser les suppressions |
Ne pas identifier les ressources orphelines ou doublons |
Scanner régulièrement les buckets et volumes inactifs. Taguer les ressources pour mieux s’y retrouver. |
Laisser grossir les logs ou fichiers non compressés | Activer la compression et la suppression automatique des fichiers anciens |
Ces postes ont le mérite d’être identifiables. Ils occupent de l’espace dans la facture, ils attirent l’œil. Et bien qu’ils méritent un suivi rigoureux, ils sont rarement les plus sournois.
Le vrai danger, c’est ce qui se cache sous la surface. Ces lignes discrètes, techniques, parfois incomprises, qui s’additionnent sans alerter…
Tous les euros ne se montrent pas de la même manière. Certains s’affichent en gras sur la facture. D’autres se faufilent entre les lignes, discrets mais réguliers, difficiles à relier à un usage précis. Et ce sont souvent eux qui compliquent l’analyse.
Réseaux : des flux qui passent… et qui facturent
1 187,63 € : le poste réseau représente ici plus de 10 % du total. Une proportion significative qui couvre plusieurs éléments : transferts interzones, équilibreurs de charge, services DNS managés. Autant de briques indispensables dans une architecture distribuée… mais dont le coût peut rapidement s’emballer.
Dans cette facture, le montant laisse penser à une activité soutenue entre régions ou vers l’extérieur. Cela peut indiquer des appels API fréquents, des synchronisations entre clusters ou simplement un trafic sortant non optimisé.
Ce qu’il faut éviter | Les bons réflexes FinOps |
---|---|
Générer un trafic sortant important sans visibilité sur sa volumétrie | Monitorer la volumétrie et la destination du trafic sortant via des VPC Flow Logs ou équivalent |
Multiplier les équilibreurs de charge peu utilisés | Regrouper les services compatibles derrière un même load balancer |
Répartir les flux entre régions sans justification métier claire | Regrouper les flux non critiques dans une même zone pour limiter les coûts d’interzone |
Laisser actifs des services réseau auxiliaires sans en évaluer l’utilité (DNS, endpoints privés) | Faire une revue mensuelle des services réseau activés et désactiver ceux inutilisés |
Monitoring/Logs : la visibilité qui devient bavarde
L’observabilité est vitale, mais peut vite devenir coûteuse. Dans notre exemple, près de 900 € y sont consacrés. Un niveau qui mérite une inspection : est-ce encore piloté, ou le monitoring s’est-il emballé ?
Ce qu’il faut éviter | Les bons réflexes FinOps |
---|---|
Collecter tous les logs par défaut sans hiérarchisation | Ajuster les niveaux de log (INFO, WARN) selon les environnements |
Conserver des métriques très détaillées trop longtemps | Appliquer des durées de rétention adaptées à chaque type de métrique |
Laisser les logs non filtrés s’accumuler dans les systèmes de monitoring | Configurer des agents de collecte pour filtrer en amont (ex : Fluent Bit, Vector) |
Ignorer les coûts des logs sur les environnements de staging ou dev | Réduire la rétention, abaisser la verbosité, désactiver certains modules hors production |
Transferts de données : ce que l’on envoie finit toujours par coûter
Ce poste reflète les volumes de données transférés en dehors de votre infra : vers Internet, d’une zone à une autre, ou vers des services tiers. Ces coûts sont sous-estimés, car répartis sur des flux invisibles au quotidien.
Ce qu’il faut éviter | Les bons réflexes FinOps |
---|---|
Lancer des synchronisations automatiques sans contrôle de volumétrie | Réduire la fréquence et limiter la volumétrie des transferts programmés |
Transférer des données interzones pour des traitements non critiques | Réévaluer la topologie réseau et regrouper les workloads liés dans la même région |
Laisser passer des fichiers bruts sans compression ni chiffrement | Compresser systématiquement les données avant envoi |
Utiliser des services tiers qui déclenchent du trafic sortant permanent (analytics, etc.) | Contrôler les intégrations externes et activer des alertes sur seuil de transfert réseau |
Appeler des données sans mettre en place un système de rétention (autrement dit, récupérer des données sans définir combien de temps elles doivent être gardées.) |
Stocker en cache les données qui changent peu, mais qui sont souvent consultées pour limiter les requêtes directes et alléger la charge. |
Tous les fournisseurs ne facturent pas ce type de flux. Certains Cloud souverains, par exemple, intègrent les transferts sortants dans leurs forfaits ou en limitent le coût. Une donnée à prendre en compte dans les comparatifs d’infrastructure.
Une facture est un outil de pilotage. À condition de la lire. Vous avez déjà mis le doigt sur des leviers techniques : scaledown, nettoyage, filtrage. C’est un début. Mais la maîtrise durable passe par une culture, une récurrence, un métier à part entière : le FinOps. Un cadre commun à toute l’équipe : ingénieurs, Ops, produits, finance.
Et c’est là que tout commence : workflows d’analyse mensuels, rituels de revue d’environnements, tagging systématique, stratégies de mise en veille…
Car derrière chaque pic de coût, il y a un usage. Et derrière chaque usage, un choix. Quand on outille ces choix, quand on les inscrit dans le quotidien, on transforme la contrainte en pilotage.
Voici quelques premiers réflexes FinOps concrets :
- Taguer les ressources par équipe, environnement, ou projet, pour tracer les responsabilités et identifier rapidement les postes à optimiser.
- Ajuster l’architecture : scaling automatique, mutualisation des services réseau, suppression régulière des ressources inactives.
- Automatiser les alertes : seuils de dépense sur les environnements non critiques, dashboards synthétiques, alertes en cas d’écart par rapport au prévisionnel.
- Filtrer à la source : limiter les logs au strict nécessaire, raccourcir les durées de rétention, compresser les données avant transfert.
- Rythmer l’analyse : une revue mensuelle suffit souvent à détecter une dérive avant qu’elle ne s’installe.
Une facture Cloud n’est jamais neutre. Elle reflète les décisions prises au fil de l’eau. Certaines sont mûrement réfléchies, d’autres improvisées. En les décortiquant, on distingue les habitudes d’exploitation, les oublis récurrents, et les marges d’optimisation.
Plongez-vous dans la vôtre. Prenez le temps de la lire, ligne après ligne. Identifiez ce qui peut être éteint, réduit, filtré, redimensionné. Appliquez quelques réflexes FinOps simples, régulièrement.
Et si vous avez besoin d’un regard extérieur : nos chasseurs de coûts sont prêts à faire parler votre facture.
Méfait accompli.

À explorer dans le grimoire

Coûts Cloud : 5 techniques pour arrêter de scaler à l’aveugle


Scaleway, OVHcloud… Le Cloud souverain français est-il une alternative crédible aux géants américains ?

Standardiser, automatiser, éclairer : les 3 pouvoirs de Kubernetes contre la dette technique
