Coûts Cloud : 5 techniques pour arrêter de scaler à l’aveugle

Auto-scaling par-ci, scalabilité par-là… et une facture qui grimpe sans prévenir. Pour nombre de CTO, le scaling reste opaque : l’infrastructure monte en charge, mais le lien avec la dépense reste flou. Compute, stockage, trafic sortant : mal provisionnés, ces postes peuvent transformer la scalabilité en premier centre de coût de l’infrastructure. En 2024, 62 % des entreprises ont dépassé leur budget de stockage cloud, contre 53 % l’année précédente. Bien souvent, ce n’est pas l’usage qui explose, mais un scaling que l’on pense maîtrisé… et qui ne l’est pas. Alors, remédions à ça : voici 5 techniques concrètes pour arrêter de scaler à l’aveugle, par nos chasseurs de coûts. Place à la magie.
Resumulus : les 3 points à retenir de l’article
- L’auto-scaling n’est pas magique : mal configuré, il fait exploser la facture.
- Une scalabilité maîtrisée passe par une architecture modulaire et des métriques métier.
- Kubernetes permet d’orchestrer finement le scaling grâce à un écosystème open source puissant.
Qu’est-ce que le scaling ?
Avant même de parler d’auto-scaling, reprenons les bases.
Pourquoi scaler ? À quoi ça sert, concrètement ?
Le scaling (ou scalabilité) est une réponse à un enjeu de performance. Concrètement, cela signifie acheter des machines virtuelles supplémentaires, des instances, pour absorber la charge. Quand l’usage grimpe (qu’il s’agisse d’un pic de trafic, d’un lancement produit ou d’une charge inattendue) l’infrastructure doit suivre. Scaler pour éviter les crashs, préserver la latence, garantir l’expérience utilisateur. Mais chaque montée en charge a aussi un coût : plus de compute, plus de stockage, plus de réseau.
Upscale & Downscale : quelle différence entre ces deux approches complémentaires ?
- Upscale = augmenter la capacité d’un service pour répondre à une montée en charge. Cela peut passer par l’ajout d’instances (scaling horizontal) ou l’augmentation des ressources d’une instance (scaling vertical). On vous explique la différence entre scaling horizontal et scaling vertical un peu plus bas.
- Downscale = réduire la capacité quand la charge diminue. Peu le font, mais c’est un levier puissant de réduction des coûts.
💡 Le bon réflexe FinOps : toujours penser à la montée ET à la descente en charge. Sans stratégie de downscale, l’infrastructure est inutilement surdimensionnée.
Scaling : done ✅
Qu’est-ce que l‘auto-scaling ?
L’auto-scaling, c’est la capacité de déclencher automatiquement la montée ou descente en charge d’une application, en fonction de seuils définis. Généralement, ces seuils concernent l’usage du CPU ou de la mémoire. Lorsqu’ils sont dépassés, de nouvelles instances sont créées sans intervention humaine, pour maintenir les performances.
L’auto-scaling s’impose souvent par défaut. C’est simple et proposé par tous les principaux Cloud providers. Techniquement (et en général), cela implique une architecture stateless, conteneurisée, capable de répliquer rapidement les workloads. Cette approche horizontale ou verticale, qui consiste à multiplier les instances ou la capacité de son serveur, répond efficacement à des pics soudains. C’est un bon début.
Mais ce mécanisme générique montre vite ses limites : il est certes pertinent en période de croissance, à condition qu’il intègre des aussi des métriques métiers, en plus des seuils CPU/mémoire standards.
« On a vu chez un client SaaS une montée en charge mal cadrée : un pic isolé a déclenché l’auto-scaling de 5 machines puissantes, donc chères, simplement parce que le CPU dépassait un seuil générique. Résultat : plusieurs milliers d’euros de surcoût, sans impact réel sur l’expérience utilisateur. Dans ce cas, écrire un algorithme de scaling, qui précise les conditions du upscale et du downscale, est-ce qu’il y a de plus pertinent : on peut réaliser beaucoup d’économies. »
Tanguy Charon, CEO et fondateur de DoNow
Bien scaler, c’est d’abord comprendre où part l’argent. Chaque montée en charge a un coût : pods, volumes, connexions, logs, métriques, trafic sortant… tout compte. L’erreur classique ? Penser que le scaling horizontal est neutre.
Prenons un service API : un pic de requêtes déclenche l’auto-scaling. Les nouveaux pods multiplient les logs, sollicitent du stockage, appellent d’autres services. « Chez un client Fintech, une demande massive d’exports a généré des centaines de workers supplémentaires. Chacun avait son propre volume et ses logs. Ils se sont retrouvés avec 2,3 To stockés sur S3. La facture a bondi, personne n’avait anticipé cet effet de bord », raconte Hugo Martin, DevOps Consultant chez DoNow.
Scaling horizontal vs vertical : deux approches, deux logiques
- Scaling horizontal = on multiplie les instances identiques (pods, VM). Très utilisé dans les architectures conteneurisées, il permet d’absorber les pics en clonant les services. Flexible, mais peut devenir coûteux.
- Scaling vertical = on augmente les ressources d’une instance existante (CPU, RAM). Moins souple, mais utile pour des workloads lourds ou peu distribuables.
💡 Le bon réflexe FinOps : comparer les deux options en fonction du workload. Parfois, scaler verticalement un service peu distribué peut coûter moins cher que multiplier les pods.
Autre angle mort : le réseau.
Un scaling mal pensé génère beaucoup d’échange réseau et active des composants facturés à l’usage. « Chez un autre client, Prometheus recevait énormément de métriques non utilisées dans les dashboards. Chaque nœud pouvait conserver des mois d’activités d’une application et générait énormément de métriques », explique Hugo Martin.
Le problème n’est pas le scaling, mais son opacité. Tant que vous ne mappez pas précisément ce qui coûte quoi, chaque montée en charge devient un pari. « Quand un service explose son budget, ce n’est pas toujours à cause d’un temps de compute trop long. Parfois, c’est juste un volume oublié ou des logs laissés actifs qui s’additionnent en silence », précise Tanguy Charon.
On pourrait en écrire un livre entier, des dizaines de parchemins, tant les mécanismes du scaling touchent au cœur des enjeux FinOps. Mais passons plutôt au concret.
1. Corréler scaling technique et usage métier
Associer les coûts aux usages : un namespace = un produit = un budget.
Installez Kubecost, AWS Cost Explorer ou GCP Billing Reports, selon votre Cloud provider. Ces outils permettent de visualiser en temps réel combien coûte chaque service. Selon le 5e rapport annuel de la FinOps Foundation, publié en 2025, l’investissement dans les outils et les compétences a bondi de 20 %, signe que les organisations cherchent à renforcer leur visibilité. Observer, c’est le premier pas pour décider et optimiser.
« On a accompagné une scale-up qui ne comprenait pas pourquoi ses coûts flambaient après chaque sprint. En traçant les dépenses par namespace et feature, ils ont découvert que les équipes oubliaient d’éteindre les environnements de démo. Désormais, chaque dépense est associée à un produit, une équipe, un usage. », cite comme exemple Sylvain Reynaud, Platform Engineer chez DoNow.
2. Mettre en place du scaling contextuel
Le CPU reste un bon point de départ. Mais pour plus de finesse, il faut écrire un algorithme de scaling, une logique claire d’upscale et de downscale, qui tienne compte des signaux métier.
Des outils comme KEDA, un composant open source de Kubernetes, permettent justement d’adapter les règles de scaling à ces métriques métier : taille d’une file Kafka, nombre de paiements par minute, volume de messages entrants, etc. Le but n’est pas seulement de réagir, mais de le faire au bon endroit, au bon moment.
« J’ai déjà eu le cas chez un acteur du e-commerce où la mémoire n’était pas un bon indicateur de charge. À partir de là, on a donc redéfini les triggers de scaling autour du nombre de transactions validés dans la minute. On s’est appuyé sur KEDA pour intégrer ce type de métrique et ça leur a permis de réduire de 20 % la facture Cloud. », illustre Hugo Martin, consultant DevOps chez DoNow.
3. Orchestrer finement avec Kubernetes + autoscaler intelligent
Peut-on scaler sans Kubernetes ? Techniquement oui. Mais à grande échelle, peu d’équipes le recommandent. Couplé à un autoscaler intelligent, Kubernetes ajuste finement les ressources. Et plus l’infrastructure est grande, plus chaque pourcentage gagné a un réel impact.
L’un des grands avantages de Kubernetes, c’est son écosystème. Il intègre nativement des outils open source qui permettent d’automatiser et de piloter finement le scaling.
Kubernetes offre ainsi une structure native pour gérer la scalabilité avec précision. On y déploie des pods cloisonnés, des namespaces dédiés, des règles précises de montée et descente en charge.
« Pour réduire la facture, je préconise souvent à nos clients de combiner Kubernetes avec une politique de spot pricing. En gros, cela consiste à utiliser des instances temporaires, proposées à des prix très réduits par les Cloud providers, mais récupérables à tout moment. On utilise Karpenter pour automatiser cette logique et libérer rapidement les nodes inutilisés », précise Sylvain Reynaud.
AVEC QUE DES VMs | AVEC KUBERNETES | |
---|---|---|
Scaling | VM entière | Workload spécifique (pod/service) |
Désallocation | Manuelle ou inexistante | Karpenter, TTL, suppression automatique |
Corrélation coûts/feature | Difficile | Namespace, dashboards, tag |
Anomalie scaling | Détection tardive | Alertes en temps réel sur les dérives |
Impact sur l’équipe | Faible pilotage | Arbitrages clairs, stratégie visible |
4. Éteindre les environnements de développement stratégiquement
On passe 60 % de notre temps en dehors du travail. Il faut aussi penser à éteindre ses environnements la nuit et le week-end. Pour certains secteurs, c’est à ce moment-là que les machines tournent dans le vide. Éteindre un environnement, c’est simplement faire un scaling à zéro sur Kubernetes. Il suffit de le planifier correctement pour économiser jusqu’à 60 % du coût de vos environnements de développement, sans impacter les workflows.
« On l’a fait pour un de nos clients de l’immobilier. Combiné à une migration vers Kubernetes, des déploiements automatisés et des astuces FinOps/DevOps, ils ont réduit leur facture Cloud mensuelle de 52 %. », précise Tanguy Charon.

5. Surveiller les anomalies de scaling comme des incidents
Vous avez des SLO sur la disponibilité ? Appliquez la même rigueur aux budgets.
Créez des alertes : dépassement de budget par cluster, explosion soudaine d’un pod, dérives journalières. Et surtout, intégrez le monitoring FinOps dans les rituels d’équipe.
« Plus on attend, plus ça coûte. Il faut faire remonter une alerte dès qu’un service dépasse un seuil critique, 20 % de la facture par exemple. Pour suivre, il faut d’abord savoir mesurer », indique Hugo Martin.
Scaler, c’est facile. Scaler proprement, c’est stratégique.
Payer moins cher, ce n’est pas juste une question de lignes de commande ou d’outils à configurer. C’est une posture d’équipe, une culture à insuffler. Mettre en place des pratiques FinOps, c’est prendre soin de son infrastructure comme d’un produit à part entière. C’est choisir les bons outils, donner de la visibilité aux équipes, instaurer des règles claires.
Kubernetes peut en être le socle. Car il ne s’agit pas seulement de faire tourner des pods, mais de piloter, prévoir, arbitrer. Il permet de connecter les dépenses cloud aux usages métier, de faire parler les métriques, et de rendre visible ce qui restait obscur. Kubernetes est le chef d’orchestre des containers, il envoie la puissance quand il faut.
Et au fond, c’est là que réside le vrai gain : une infra qui tient la charge, un budget qui tient la route, et une équipe qui sait où elle va.
Méfait accompli.

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